Le Puits Couriot
Le transport, une nécessité vitale. Dès le XVIIIe siècle, les anciens ont exploité par grattages superficiels le quartier du Clapier, nom signifiant lieu où l’on trouve des pierres. Mais le site est mal desservi. Le début du XIXe siècle voit le bassin de Rive-de-Gier prédominer à la faveur du canal de Givors et du chemin de fer de Lyon qui permettent de transporter aisément les charbons. En 1843, les mines de la Ricamarie et de Saint-Étienne créent un embranchement avec le chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon : il s’agit de l’amorce, d’abord exclusivement minière, du chemin de fer du Puy réalisé de 1859 à 1867.
La gare du Clapier, « port sec » minier au départ, est édifiée en 1857. Elle sera reconstruite dans sa forme actuelle en 1927 et définitivement fermée en septembre 1989. Très vite le Clapier prend de l’importance. En 1887, le site connaît l’épreuve du grisou. L’explosion du gaz, sûrement suivie d’un coup de poussière, tue 79 mineurs.
En 1905, la Société Anonyme des Mines de la Loire, présidée par M. Couriot, projette le fonçage d’un nouveau puits, car la huitième couche, intensément exploitée dès le milieu du XIXe est en voie d’épuisement. D’abord appelé Châtelus 3 le puits prend le nom de Couriot. Le fonçage de 5,10 mètres de diamètre et 727 mètres de profondeur, débute en 1911.
En 1913, le puits est opérationnel. Couriot est alors le plus grand des puits du bassin de la Loire et, bien sûr, le plus moderne. Cependant, la guerre va retarder la poursuite des investissements et ce n’est qu’en 1926 que le puits et ses annexes de préparation mécanique des charbons, de carbochimie et de production d’énergie seront achevés. Le grand chevalement d’acier du puits Couriot, haut de 35 mètres, domine depuis le début de ce siècle l’ouest de Saint-Étienne. Il est le dernier des puits qui se sont succédé sur ce site. Nous avons alors un site capable d’extraire trois mille tonnes de charbon par jour.
Dès 1910, une première centrale électrique est construite à Couriot, puis une seconde en 1918. Le siège comprend des ateliers de lavage et de classement des charbons reliés au chemin de fer via le triage du Clapier. De plus, comme toute grande mine moderne, Couriot possède une lampisterie électrique de 1450 lampes et un lavabo ouvrier de 1050 paniers (depuis 1913, un règlement de l’Administration des Mines oblige l’exploitant à fournir une douche à son personnel).
En 1930 l’adoption du foudroyage au fond (abandon du remblayage) entraîne la naissance des crassiers ; en quarante ans les mineurs édifient ces deux montagnes de déchets, hautes de 120 mètres, dont le volume représente environ huit millions de m3. Leurs formes leur donnent leur appellation locale : les Mamelles de Saint-Étienne.
En 1936, pour accélérer et régulariser l’extraction, on remplace la machine à vapeur par une machine électrique et les bennes de 500 litres par des 1500 litres.
En 1946, c’est la nationalisation des Houillères. En 1948 : construction d’un second lavabo de mille paniers et d’une nouvelle lampisterie. Le siège emploie mille cinq cents mineurs.
Depuis 1959, l’exploitation est moins rentable.
En 1967, la reconversion des mineurs de la Loire est amorcée.
En 1968, c’est l’arrêt du lavoir Couriot. Les charbons sont traités au puits Pigeot à La Ricamarie. Le puits a extrait, en soixante ans, plusieurs dizaines de millions de tonnes de charbon d’excellente qualité.
Le 5 avril 1973 à 6 heures du matin, c’est la dernière descente. Les hommes ont pour mission de couper le câble porteur et d’abandonner la cage au fond du puits à 727 mètres sous terre. Ils regagneront le jour par un autre puits de service. L’exploitation Couriot est arrêtée.
Aujourd’hui le puits Couriot est devenu un musée, le Musée de la Mine.
Le Travail dans la mine
La mine ancienne : abattage au pic et aux coins : pour percer des galeries dans le grès ou dans le schiste on fait sauter les rochers à la poudre : on perce un trou avec un fleuret frappé avec une masse, à chaque coup on tourne légèrement le fleuret. On garnit de poudre, recouverte d’une bourre. Un gamin tourne la manivelle d’un ventilateur à bras, seul moyen de faire parvenir un peu d’air.
Le haveur, pic en main pratique à la base du bloc de charbon une saignée dont la profondeur peut atteindre un mètre ; il dégage ensuite son bloc latéralement en faisant deux saignées verticales, les « rouillures ». Enfin, l’ouvrier enfonce à la masse une ligne de coins au sommet du massif et provoque la « tombée ». Un homme abat ainsi, par journée de dix heures, trois tonnes de charbon. Ce dernier est repris à la pelle par un manœuvre qui le charge dans les bennes poussées par les rouleurs souvent de jeunes garçons. Des chevaux les remplaceront à partir de 1840.
Le soutènement est réalisé en bois. Le remblayage a précédé le foudroyage : généralement on remblaie de nuit en comblant le vide à la pelle par de la terre ou des scories retenues par des murs de pierres sèches. L’éclairage est assuré par les lampes de sûreté à huile. Les chantiers aboutissent à une longue galerie solidement établie dans le rocher dont la fonction principale est d’évacuer le charbon vers le puits d’extraction. Ici circulent des trains de bennes tirés par des chevaux, conduits par des « toucheurs ». Les bennes sont de petite taille : trois cents litres pour le remblai, six cents pour le charbon.
Les années vingt et trente modifient radicalement le visage de la mine : mécanisation du fond, pas de soutirage, le charbon est abattu au marteau-piqueur, maîtrise technique de l’air comprimé. La mine se peuple d’étrangers. Beaucoup de cités ouvrières du bassin ont été construites pour accueillir Italiens, Espagnols, Marocains, mais surtout Polonais. Les mineurs font les trois-huit : un poste de nuit : foudroyage (éboulement contrôlé des rochers stériles, schistes ou grès, qui recouvrent le charbon) et approche du convoyeur blindé, un poste du matin : abattage des dessus, soit les deux tiers du charbon et pose du soutènement provisoire, un poste de l’après-midi : abattage du charbon restant et pose du soutènement définitif. Chaque piqueur abat dix à quinze tonnes de charbon.
Avant 1940, on forait les trous de mine avec des marteaux dépourvus de système d’arrosage sans combattre les poussières provoquées par le tir. La silicose faisait des ravages parmi les mineurs. Cette maladie professionnelle est due à l’encombrement des alvéoles pulmonaires des hommes par la poussière agressive des roches. Elle entraîne une asphyxie lente.
Le puits assure l’entrée de l’air dans la mine, y achemine l’air comprimé, l’électricité, l’eau sous pression et évacue les eaux souterraines. La galerie à travers bancs a pour fonction principale le transport du charbon entre les chantiers d’abattage et la recette. Elle canalise l’air pur vers les chantiers, les mineurs circulent en train : les tailles sont souvent situées à plusieurs kilomètres du puits. Ses parois sont blanchies à la chaux pour combattre la poussière, grand ennemi des mineurs. Les poussières de charbon mises en suspension et accidentellement enflammées peuvent exploser et tout dévaster : onze cents mineurs périrent ainsi en 1906 à Courrières dans le Bassin du Nord.
La taille est le lieu ou l’on abat le charbon. C’est la fonction des piqueurs. Le charbon a été longuement fragilisé par l’injection d’eau sous pression dans sa masse. Alors interviennent les soutireurs. L’un d’eux découpe une fenêtre dans le grillage de protection de l’arrière-taille. Son collègue fait jouer le vérin arrière des piles : la « banane ». Il disloque le charbon et le fait « couler » par la fenêtre. On contrôle le débit avec une barre de fer, la « furgue », et le charbon est évacué par un second convoyeur blindé.
Parmi les gaz qui hantent la mine, citons l’oxyde de carbone qui agit comme un poison violent et le grisou proche chimiquement du méthane. Ce dernier, qui se dégage de certains charbons, n’a aucune odeur, est invisible et sa diffusion au fond est extrêmement discrète. Ses explosions ont causé beaucoup de morts.